L’avis du renard
Bolchoi Arena est un objet bandedessinesque étrange : format inhabituel (19 cm x 25 cm), épaisseur inhabituelle (168 pages), couverture souple avec jaquette transparente1, un dessin au style très caractéristique, avec un trait très fin, des personnages épurés mais des décors détaillés. Et des couleurs étonnantes, étranges même.
L’éditeur semblait croire au projet, vu les moyens qu’il a mis pour promouvoir cette série : en plus de l’habituelle prévisualisation en ligne du début du tome 1, on a aussi une bande-annonce :
Est-ce donc une réussite au-delà du simple objet ?
Incontestablement oui.
J’irais même jusqu’à dire que c’est la meilleure bande dessinée de science-fiction que j’ai lu depuis longtemps. Parce que c’est beau, c’est bien ficelé, c’est intelligent, c’est cohérent.
Bolchoi Arena, c’est un récit de SF dans lequel les personnages plus que la science sont importants. Ça ne veut pas dire qu’on a un univers-prétexte, au contraire : celui de Bolchoi Arena est construit, logique et sert de socle à l’histoire sans pour autant lui voler la vedette.
Comme souvent sur les séries de SF, le premier tome pose les bases et la suite s’élève sur ces fondations, résous quelques-unes des énigmes énoncées lors du volume 1… et propose d’autres mystères, encore plus étranges – on se croirait dans une vraie succession de missions spatiales.
Une des richesses de l’œuvre, c’est qu’elle n’est pas une histoire générique collée sur un univers quelconque : l’histoire existe parce que l’univers est ce qu’il est, sans pour autant n’être qu’une explication ou un guide de voyage – un travers hélas trop fréquent. Les thèmes abordés sont aussi très nombreux : les mondes virtuels, évidemment, avec tout ce qu’ils impliquent sur le monde réel et copient sur lui. Mais également l’amitié et ses limites (dans les deux sens), l’addiction, les jeux vidéos, l’intelligence artificielle, les limites de la réalité, les limites de la vie, le colonialisme moderne, le deuil, et j’en passe.
Les héros ne sont pas non plus des héros tout-puissants, archétypes de sauveurs du monde ; au contraire, ils font partie d’un tout plus grand qu’eux, et en gros l’histoire de Bolchoi Arena se déroulerait à peu près de la même façon sans leur présence. Ce qui ne les rend pas inintéressants !
Le dessin sublime toute l’histoire. Le style particulier m’a demandé quelques pages pour que je m’y habitue, mais il sert complètement le scénario avec des plans époustouflants de détails et de dynamisme. La combinaison insolite de trames et de textures2 et les couleurs finissent de rendre l’ambiance unique, au point que je n’imagine pas que cette histoire puisse être racontée avec un autre style.
En fait, je ne sais même pas pourquoi je me fatigue à parler de cette BD puisque les auteurs font ça très bien eux-mêmes (il n’y a que du son) :
Et vous savez quoi ? À ma connaissance, il y a 5 tomes de prévus !
À lire absolument si on aime
- La science-fiction intelligente sans héros christique.
- Les jolis dessins.
- Chercher les références planquées (bon courage !)
À éviter si on cherche
- Une histoire pour les enfants.
- Un héros qui sauve le monde, point.
- Un truc mignon, gentillet ou « drôle parce que c’est Boulet au scénario ».
- Une histoire simple pour se vider la tête.
Le petit plus du livre
Les éditions originales ont des jaquettes transparentes du plus bel effet (mais pas les retirages, pour des raisons de cout).
Certaines pages (comme la page 27 présentée plus haut) ont un petit logo qui signifie que si on « scanne » la page avec l’application ad hoc, on obtient un bonus en réalité augmentée. L’idée est bonne – surtout vu le thème principal ! – et il y a des bonus sympas, mais je trouve l’utilisation un peu laborieuse, et les logos ne sont pas toujours très visibles.
Si vous avez aimé ce livre
… et que vous avez 2 h 203 devant vous, vous pouvez aller voir Aseyn et Boulet discuter pendant que Aseyn dessine. On y apprend plein de trucs sur la réalisation et le futur de la série, entre autres les raisons des couleurs si particulières de ces albums. Ah, et le Bolshoi de la NASA est ici.