Confortablement assis dans d’élégants fauteuils club, les deux multimilliardaires sirotaient un excellent Cognac et planifiaient.
— D’accord, dit l’un, cette idée de croisière interplanétaire est réalisable, grâce aux nouveaux moteurs à propulsion Pitjeva. Reste le cas des escales : les clients vont vouloir visiter, faire diverses activités.
— Pour la cible des jeunes sportifs aisés, j’avais pensé au parachutisme. J’imagine d’ici les affiches en quatre par trois au bord des autoroutes : « Faites du parachutisme sur Neptune, dernière planète du système solaire ! »
— Les Américains ne vont pas apprécier ce slogan.
— On leur en trouvera un différent.
— Mais j’aime beaucoup l’idée et les marges qu’on peut en tirer.
— Avec un markéting bien ciblé, ça va être l’activité à ne pas louper pour qui voudra être hype.
— Reste à voir la faisabilité technique… j’appelle le conseil scientifique…
L’autre, d’une commande vocale, modifia le décor affiché par les murs-écrans.
— Service scientifique, j’écoute ?
— Bonjour, on a un projet de parachutisme sur Neptune. Quelles sont les possibilités ?
— Je crains qu’elles ne soit faibles, pour ne pas dire nulles, chef.
— J’ai une rentabilité à étudier. Soyez plus précis.
— Bien. En admettant que vous arriviez là-bas, vous devrez vous placer en orbite autour de la planète, puis ralentir assez pour vous mettre en conditions d’atterrissage. Ça, avec les technologies modernes, c’est la partie facile.
– Continuez.
— Ensuite, les personnes parachutées devront être vêtues de scaphandres intégraux. L’atmosphère est complètement irrespirable, sur Neptune.
— C’est gênant, je pensais qu’avec une belle couleur bleue comme ça… bref, poursuivez.
— Puis viendra le froid. Il peut y faire jusqu’à moins deux-cent-dix-huit degrés.
— Admettons que les scaphandres soient chauffés.
— Compris, chef. Il y aura aussi le vent. On en a mesuré à près de six-cents mètres par seconde.
— Deux fois plus qu’un ouragan terrestre ? C’est beaucoup.
— Dix fois plus, en réalité. Dix-cent mètres par seconde, ça fait plus de deux-mille-deux-cents kilomètres par heure.
— Ah… d’accord. On va viser les endroits calmes.
— Alors il va falloir prévoir quelque chose pour récupérer vos parachutistes, parce que Neptune n’a pas de sol à proprement parler, c’est surtout une énorme boule de gaz de plus en plus dense et chaud au fur et à mesure qu’on s’enfonce. Enfin, techniquement il y a un noyau au milieu, mais d’ici là vos clients seront morts broyés par la pression et cuits par la température, après huit-mille kilomètres de plongeon.
— Ce ne serait pas très bon pour l’image de l’entreprise, je pense. Je déteste la science, trop de contraintes.
— Moi de même, fit le second milliardaire ; au moins les humains peuvent s’acheter.
— Imaginons, repris le premier, que nous ayons des scaphandres climatisés résistants à la pression ? « La plus longue descente en parachute », ça serait beau non ?
— Je crois que vous n’avez pas pris conscience des températures et des pressions en jeu, monsieur. Aucun matériau n’y survivrait. Il s’agit de conditions capables de provoquer des grêles de diamants.
— De diamants, dites-vous ? Je pense que je viens d’avoir une idée…
Image : Neptune par Voyager 2, NASA, domaine public.
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