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28 – Eulagisca gigantea et toute cette sorte de choses

Un épisode de l’Inktobre 2020 de Lisa Refur, publié le .

Après des jours de navigation le long de la barrière de glace, Le Sextant, le navire océanographique de notre expédition approcha enfin l’ile et s’amarra au ponton. Ce que les plans de l’expédition avaient nommé « port » était en réalité un agglomérat de cabanes en bois, tassées les unes contre les autres au fond d’une baie. Ici, les hautes montagnes de cette région, en s’abattaient dans la mer, découpaient une poignée de mouillages libre de l’immense barrière de glace et vaguement protégée des terribles vents catabatiques.

La préparation du navire et des habitations terrestres pour l’hivernage nous occupa deux bonnes semaines. Malgré la charge physique de ces tâches – nous restions une équipe de scientifiques avant tout – et le climat hostile, le moral était au beau fixe. Dans ces paysages insolites d’une blancheur immaculée, nous étions encore des pionniers, prêts à découvrir et répertorier l’inconnu, fier d’avancer en expédition dans un monde détaillé par la technologie.

Le troisième mardi, je pus enfin m’occuper de mes prises en mer avec mon assistant, tandis qu’une autre équipe profitait d’une accalmie dans les vents pour explorer les alentours. Ils avaient notamment repéré des grottes non répertoriées qui pourraient nous servir à construire un abri plus durable pour les longs mois d’hiver qui nous attendaient.

Les trois premières capsules de spécimen ne m’offrirent que des poissons austraux classiques, dont je me bornai à noter la présence et la quantité. La quatrième m’offrit une surprise.

Quelque chose accrocha la lumière ambiante lorsque j’ôtai le couvercle, un étrange reflet doré. Je ne connaissais pas d’animal de cette couleur qui vivrait dans ces eaux, mais je participais à cette expédition d’abord et avant tout pour ce que je ne connaissais pas.

Ma première réaction fut de croire qu’un collègue m’avait fait une blague de mauvais gout et avait rangé une guirlande dorée dans ma capsule de prélèvement. Mais non, il y avait bien quelque chose là-dedans qui présentait deux longues rangées de poils raides, dorés et longs de trois centimètres. Je m’approchai un peu plus. Les deux guirlandes étaient accrochées à un corps segmenté, d’environ trente centimètres de long et dix de large, couvert d’élytres – des plaques de corne. Je comptai quarante segments, et quinze paires d’élytres.

Lorsque je sortis la bête de son réceptacle pour une inspection plus poussée, elle déploya une tête horrible, long segment plat et aveugle muni de quatre terribles dents.

Qu’avais-je donc trouvé ?

Était-il possible que les livres d’H.P. Lovecraft fussent des récits et non des fictions ?

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