Le redémarrage de la propulsion fut comme un coup de pied au cul, mais qui ne s’arrêta pas. Fini, le silence relatif du module en vol libre ; terminées les sensations surnaturelles de l’impesanteur. Nadia subissait trois G – trois fois l’attraction terrestre. Et, comme les dix-sept autres personnes de l’équipage qui n’étaient ni le commandant de bord ni le pilote, elle n’avait rien à faire. Alors elle regarda par le minuscule hublot, trop petit, mais déjà bien plus grand que celui installé sur les antiques missions des débuts de l’exploration spatiale.
En haut du cadre, la Terre, les verts multiples des forêts, ses montagnes enneigées dispersées comme des fractales blanches ; le bleu profond de la mer, la matière cotonneuse des nuages, le reflet du soleil dans un fleuve. Ici la glace d’un pôle quelconque ; vingt minutes plus loin les ocres d’un désert surchauffé. Parfois, de-ci, de-là, la fourmi d’une gigantesque construction humaine. Puis, sous cette titanesque portion de sphère colorée, minuscule et fragile, la ligne cyan de l’atmosphère, protection dérisoire vue de si haut, et pourtant indispensable à la vie. Et pour finir, en bas du cadre, le noir du vide, que le contraste avec la luminosité éclatante de la planète privait de toutes ses étoiles.
La Terre au sommet, l’Espace en bas. Un ciel à l’envers. Et celui-ci était naturel – il était toute la nature, dans son intégralité.
Enfin, ou déjà, apparut à côté du globe le long cigare oblong du vaisseau mère, son univers pour les cinq années futures. La station était maintenue en rotation le long de son axe pour créer une gravité artificielle. Nadia, comme le reste de l’équipage, tous ceux présents et les équipes à venir, vivrait sur la face interne. Deux larges baies latérales pour laisser rentrer le soleil, panneaux opaques montés face à face pour accueillir sols, eau, plantes, animaux et humains. Leur ciel aussi serait sens dessus dessous, une Terre synthétique flottant en permanence au-dessus de leurs têtes, étrange rappel construit de la véritable, visible par les ouvertures.
Un ciel à l’envers ? se dit Nadia. Et si c’était plutôt celui de tous les terriens qui n’était pas dans le bon sens ?
Illustration de la NASA, dans le domaine public.
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