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24 – Ce chat me donne la chair de poule

Un épisode de l’Inktobre 2018 de SpaceFox, publié le .

— Tiens ? Tu as un chat toi ?

— Oui, je ne te l’avais pas dit ? me répondit mon amie de son accent chantant. Je l’ai trouvé à ma porte il y a trois semaines, tout ensuqué sous le cagnard. Pauvre bête ! Alors je l’ai laissé rentrer, et il est resté.

Le félidé susmentionné dormait sur le canapé du séjour. Je finis d’entrer.

— Il s’appelle Léone. Il est mignon, non ?

L’animal, à l’énoncé de son nom, dressa une oreille. Pour ce que j’en voyais, il roupillait en rond et me présentait son dos, ne me permettant pas de juger de son apparence ; aussi ne répondais-je pas.

— Installe-toi, je vais chercher de la picole.

À peine fus-je seule dans la pièce que le mammifère se réveilla tout à fait et me dévisagea. J’empiétais sur son territoire, et il me toisait. Intrus ? Je semblais toléré par l’humaine qui squattait les lieux. Prédateur ? De toute évidence, non. Proie ? Sans aucun doute. Il bâilla et s’étira, les pattes avant plantées dans le tissu du sofa, et cette exhibait ses griffes acérées et ses crocs pointus.

Puis le fauve s’assit et me regarda en se léchant les babines.

Elle revint avec deux bières fraiches qu’elle posa sur la table basse.

— Hooooo ! Il est réveillé ! Viens là, petit père !

L’animal, qui avait feint une toilette nonchalante dès qu’elle était arrivée, fut submergé de papouilles et de bisous, qu’il accepta sans grogner, à ma grande surprise.

* * *

La soirée avança, et, affalés dans le canapé, nous regardâmes un film. Le félin s’était installé sur les genoux de mon amie, et de temps en temps s’étirait et en profitait pour me planter ses griffes dans la cuisse. Lorsqu’il daigna bouger, ce fut pour s’établir sur le haut du dossier – et me marcher sur l’entrejambe en passant.

L’animal avait bien planifié : depuis son nouveau perchoir, il avait toute latitude pour m’ennuyer de toutes les façons possibles (coups de queue, attrapage de cheveux, petits coups de patte sur la branche des lunettes…) sans que personne ne puisse le prendre en flagrant délit ni lui reprocher quoi que ce soit. Même une activité d’apparence aussi inoffensive que sa toilette nécessita qu’il s’appuie de manière fort désagréable sur mon crâne.

— Je crois que ton chat me hait, dis-je à l’occasion de mon dix-septième dérangement.

— Impossible, il est trognon ! me répondit-elle.

— Mrrrr ? fit l’intéressé.

Cette ordure avait compris ce que je disais de lui et imitait à la perfection un sphinx angélique.

* * *

Quelques heures plus tard, la soirée était finie, et vint l’heure de dormir. Le sinistre prédateur squattait mon oreiller, affalé tout en travers de ce dernier, et s’était de toute évidence donné pour mission d’y étaler autant de poils qu’il en était félinement possible.

— Allez, bouge ! lui dis-je.

Aucune réaction. Je m’approchai ; souvent dans ce cas les chats détalent, lui continuait à pioncer.

— Ouste ! C’est mon lit !

Devant la mauvaise volonté de la bestiole, je secouais la couette. Alors enfin il ouvrit un œil, puis le second, puis me fixa de son étrange regard jaune aux pupilles verticales. L’expression qui se lisait en lui était limpide, et ne disait rien d’autre que : « Cette nuit, je boirai ton âme ».

Puis avec cette souplesse surnaturelle qui n’appartient qu’à ceux de sa race, il se leva et sortit de la pièce. Je me brossai les dents, tentai vainement de nettoyer l’oreiller de ses poils, et fermai soigneusement la porte. Que la bête reste à distance, et que toute divinité qui m’existe m’autorise à passer une nuit tranquille, en sécurité !

* * *

Je commençais à somnoler, quand le battant s’ouvrit dans un déclic.

Le visage de mon amie apparut, faiblement éclairé par la lampe d’une pièce lointaine.

— Je laisse ta porte entrebâillée. C’est pour le chat.

Puis, avec un grand sourire :

— Bonne nuit !

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